Le cinéma égyptien, Hollywood sur le Nil #fiche

Nilwood, le star-système égyptien

En quoi le cinéma égyptien est-il un véritable star-système ?

Affiche du film « Le masque rouge » (Al qanâ’ al-ahmar) Réalisé par Youssef Wahbi avec Camilia, Faten Hamama et Fakher Fakher Egypte, 1947 Beyrouth, collection Abboudi Bou Jawde © Abboudi Bou Jawde
L’incroyable industrie du spectacle égyptien repose sur un véritable phénomène : celui du vedettariat, aussi présent en Égypte qu’à Hollywood. Le star-système égyptien couvre un éventail de genres cinématographiques allant du mélodrame à la comédie. Mais la recette magique repose sur la comédie musicale, savant mélange de séquences chantées, de danses et d’intrigues mélodramatiques et lien indéfectible entre le public et des artistes érigées en idoles : celles-ci, véritables machines à rêves sur grand écran, en assurent la popularité et, en retour, leur doivent leur succès.

Car la comédie musicale crée de grandes vedettes en leur offrant d’être visibles sur grand écran. En témoignent les carrières des danseuses Samia Gamal ou Tahiyya Carioca. Leur succès retentissant popularise même la danse sharqî par-delà les frontières, grâce notamment au succès de la comédie musicale Madame La Diablesse (Afrita Hanim, 1949), avec Samia Gamal et la légende de la chanson, Farid al-Atrache. À travers la carrière internationale de Samia, les performances chorégraphiques égyptiennes s’exportent jusqu’aux États-Unis et en France.

Oum Kalthoum, bien qu’ayant une filmographie relativement courte, propulse la comédie musicale Widad (1936) au festival international de Venise, une première pour une production égyptienne.

Le cinéma participe au développement d’une culture de loisir, jusque-là inédite, auprès des populations citadines arabes. Les femmes accèdent à une mobilité inédite dans l’espace public grâce à la fréquentation des salles de cinéma. En Tunisie, grâce au succès des films égyptiens, on sort en famille, ce qui fait du cinéma un lieu de mixité.

Ces films sont massivement distribués dans tous les pays arabes mais aussi sur l’ensemble du continent africain, notamment à Dakar, dans les années 50 et 60, où ils remportent un franc succès, de même que, auprès des diasporas arabes, en Europe et en Amérique latine. En France, le cinéma égyptien fait le succès des cinémas implantés dans les quartiers d’immigrés maghrébins.

Les films de l’âge d’or égyptien offrent à voir un modèle de vie bourgeois, avec des personnages vivant dans des appartements richement équipés, jouissant d’une vie de loisir qui fait rêver les spectateurs par millions. On s’identifie aux tourments amoureux des personnages et à leurs destins contrariés, toutes les classes sociales confondues : les plus pauvres apprécient une légèreté qui leur permet d’échapper au quotidien, les plus aisés, la modernité qu’incarnent ces œuvres. Les chansons, prétexte à l’évocation de mille sentiments romantiques, popularisent la musique égyptienne et assurent le succès commercial aux nombreux vinyles de chansons issues des films. Le vedettariat donne lieu à de nombreuses publications autour des stars dans la presse égyptienne et arabe, mais aussi à des publications spécialisées comme le journal pour adolescents Al Mawad.

Aux actrices et acteurs des années 40 et 50 succède une nouvelle génération, née après la révolution de 1952. Parmi elle, le chanteur Abdel Halim Hafez, qui prolonge le rêve de l’âge d’or jusqu’aux années 1970 ; l’annonce du décès de cette idole des jeunes, en 1977, entraîna le suicide de plusieurs jeunes filles qui se précipitèrent dans le Nil. Autre figure de cette nouvelle vague, Souad Hosni, connue pour son grand succès, en 1972, dans Méfie-toi de Zouzou (Khali Bâlak min Zouzou). Le style vestimentaire de cette icône de la mode a influencé maintes jeunes Égyptiennes.
Hajer Ben Boubaker

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