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Une vie d'intrigues et de rumeurs

Asmahan : une vie de rumeurs et d’intrigues ?

Asmahan avec une amie, Egypte, circa 1930 Beyrouth, Fondation arabe pour l’image, collection Faysal el Atrash © The Arab Image Foundation
Asmahan, chanteuse et actrice (Entre Athènes et Beyrouth, 1912 ? - Le Caire, Egypte, 1944)

Le mythe Asmahan s’est aussi construit autour d’aventures romanesques qui la placent au centre des intrigues de la Seconde Guerre mondiale au Proche-Orient. En 1941, les forces alliées, confrontées à l’avancée des troupes allemandes à la frontière égypto-libyenne, redoutent les intentions du Reich en Syrie et au Liban ; décision est prise d’envahir la Syrie. Les services secrets britanniques sollicitent Asmahan pour qu’elle aille en Syrie avertir les Druzes de leur intention d’envahir le pays en juin 1941, dans une action conjointe avec la France. En réalité, il s’agit aussi pour Asmahan de convaincre son clan de ne pas s’opposer aux forces alliées en échange d’une somme importante pour l’époque. C’est donc en tant qu’agente qu’elle retourne en Syrie pour prévenir sa famille par l’intermédiaire de son demi-frère Taha. Hassan al-Atrache profite de l’occasion pour la redemander en mariage ; bien que le remariage soit interdit par les Druzes, le clan accepte dans le but d’empêcher Asmahan de remonter sur scène. Elle accepte et partage son temps entre Damas, Beyrouth et Jérusalem, où elle tente en vain d’obtenir du soutien et des fonds pour les forces britanniques et françaises. Cette période l’engouffre un peu plus dans la dépression, la presse relate ses dépenses excessives et ses excès d’alcool. Elle tente même de se suicider.

Elle finit par s’échapper et retourne en Égypte où son rôle auprès des forces alliées la place au centre des rumeurs. En 1944, l’artiste se marie avec le directeur du Studio Misr, Ahmad Salim, qui produit ce qui sera le dernier film de la diva : Amour et vengeance (Gharâm wa intiqâmi). Alors qu’elle n’a contracté ce mariage que pour pouvoir retourner en Égypte, Ahmad Salim, fou amoureux d’elle, refuse le divorce. Joueuse de poker, noctambule, sa vie défraye la chronique et on lui prête des liaisons avec le chambellan Mohamed Hassanein Pacha et avec le futur roi d’Égypte, le prince Farouk.

Le tournage du film, où elle tient la tête d’affiche avec la vedette de l’époque, Youssef Wahbi, qui en est aussi le réalisateur, est perturbé par des coups de feu. Asmahan joue Suhair, une chanteuse qui périt dans un accident de voiture à la fin du film. La réalité rejoint la fiction par un tragique jour d’été : Asmahan meurt prématurément le 14 juillet 1944, à 27 ans, lorsque sa voiture fait une sortie de route et sombre dans les eaux du Nil. Son chauffeur parvient à s’extraire du véhicule avant qu’il ne coule et disparaît dans la nature.

La mort de la diva demeure une grande énigme. Certains y voient un assassinat, d’autant qu’elle avait échappé à des tirs quelques jours auparavant, sur le tournage du film. Beaucoup attribuent sa mort aux services secrets britanniques, embarrassés par une espionne qui aurait pu se révéler bavarde. Pour d’autres, c’est son clan, scandalisé par sa vie dissolue, qui serait à l’origine de sa mort. L’opinion publique fait aussi porter les soupçons sur la reine Nazli, jalouse de la liaison qu’aurait entretenu Asmahan avec le chambellan Mohamed Hassanein Pacha. On met même Oum Kalthoum en cause – elle se serait sentie menacée par le talent de la jeune chanteuse. Fait troublant : une voyante aurait prédit à Asmahan, alors âgée de 16 ans, « qu’elle était née dans l’eau (sa mère lui avait donné naissance sur un paquebot) et mourrait dans l’eau », ce qui avait conduit la jeune femme à se tenir éloignée de tout élément aquatique.
Hajer Ben Boubaker

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