Oum Kalthoum #fiche

La musique d’Oum Kalthoum ou la modernité dans la tradition

Comment la musique d’Oum Kalthoum s’est-elle modernisée ?

Farouk Ibrahim Oum Kalthoum sur la scène de l'Olympia, 14 novembre 1967 Paris, Photothèque de l’IMA ©IMA
Oum Kalthoum, « la plus grande chanteuse du monde arabe » (Tamây al-Zahâyra, Égypte, vers 1900 - Le Caire, Égypte, 1975)

Jusqu’aux années 1950, l’orchestration des chansons d’Oum Kalthoum demeure très imprégnée de la tradition de la Nahda qui lui a été transmise par Abou al-Ila Mohammad. Son orchestre s’étoffe alors jusqu’à compter une vingtaine de musiciens. Celui-ci restera sensiblement le même jusqu’à la fin de sa carrière, on y trouve le qanoun, joué par Abdo Saleh qui dirige l’orchestre, le oud de Mohammad al-Qasabgi, le nay de Sayyid Salem qui a rejoint l’orchestre en 1946, le violon du grand Ahmad al-Hifnaoui, auxquels s’ajoutent la contrebasse, plusieurs violoncelles, une dizaine de violons et des percussions. Ce type de formation se répand en Egypte et dans le monde arabe à partir de la fin des années 1940.

Alors que de nombreux chanteurs et chanteuses, tels Farid al-Atrache, Asmahan et Mohammad Abdel Wahab, ont expérimenté dès les années 1930 l’introduction de séquences d’écriture orchestrale, avec cordes, bois et cuivres, ou de l’ensemble de chambre à l’européenne avec piano et cordes dans leurs chansons, Oum Kalthoum demeure farouchement attachée à la tradition modale arabe, le maqam, dont elle ne se départira jamais. A cet égard, il est remarquable qu’elle ait toujours imposé à ses musiciens de jouer en concert sans partition, bien qu’ils y avaient recours lors des répétitions.

Sous la pression de l’électrification de la musique et de l’adoption de la guitare, de l’accordéon, des synthétiseurs et du saxophone chez beaucoup de chanteurs et chanteuses vedettes des années 1960, Oum Kalthoum accepte, mais avec réticence, l’introduction de ces instruments dans sa musique. C’est principalement lors de sa collaboration avec Mohammad Abdel Wahab et Baligh Hamdi qu’ils apparaissent. On peut ainsi entendre l’accordéon dans Siret el-Hobb (Évocation de l’amour) en 1964, la guitare et l’accordéon dans Amal Hayati (L’espoir de ma vie) en 1965 puis dans Alf Leila Wa Leila (Les Mille et Une Nuits) en 1969, et même les synthétiseurs aux côtés de la guitare et de l’accordéon dans Min Agli ‘Aynayka (Par amour pour toi) en 1971.

On note aussi l’usage du piano – chose unique dans sa discographie – dans l’introduction de Araka Assiyya d-Dam’i (Je te vois, les larmes rebelles) en 1965 vers la toute fin de sa carrière. Ironie du sort ou clin d’œil de la diva et du compositeur Riad al-Sunbati, elle avait déjà enregistré ce célèbre poème du Xe siècle d’Abou al-Firas al-Hamadani à ses premiers débuts en 1926 tel qu’il avait été mis en musique par la grande figure de la Nahda Abdou al-Hamouli et transmis à elle par Abou al-Ila Mohammad. Avec cette touche de modernité dans la tradition, la boucle était ainsi bouclée.
Qaïs Saadi

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