Une figure féminine parmi les hommes : l’ère nassérienne
Quelle fut la place d’Oum Kalthoum dans la société à l’ère nassérienne ?
Oum Kalthoum, « la plus grande chanteuse du monde arabe » (Tamây al-Zahâyra, Égypte, vers 1900 - Le Caire, Égypte, 1975)
La première année du nassérisme n’a pas été des plus faciles dans la carrière de la diva. Bientôt ses chansons se font rares à la radio et l’on ira même jusqu’à choisir une autre voix, celle de Laila Mourad, pour chanter lors de la première commémoration de la révolution en 1953 au motif qu’Oum Kalthoum a chanté les louages de la monarchie abolie.
Comme elle le confessera plus tard, aux premiers jours du renversement du roi et de la prise de pouvoir par les Officiers libres, ceux-ci lui demandent de faire des déclarations de soutien. Oum Kalthoum tergiverse, ce qui jette un terrible froid entre elle et le nouveau régime, en particulier avec Nasser.
Pourtant, elle avait déjà rencontré Nasser à plusieurs occasions, notamment lorsqu’elle avait accueilli lors d’une fête à son domicile plusieurs officiers revenus de la guerre de 1948, parmi lesquels Gamal Abdel Nasser.
Le retour en grâce a lieu très rapidement, Nasser se rendant compte qu’il lui serait bien plus profitable d’employer en sa faveur son immense popularité que de tenter d’en diminuer l’éclat.
A cette période les chansons patriotiques fleurissent. Beaucoup chantent la fierté retrouvée après la déchéance de la monarchie corrompue, soumise aux forces étrangères et responsable de la cuisante défaite de 1948 face à Israël. Oum Kalthoum ne déroge pas à la règle. Rejoignant la cohorte des chanteurs, tels Mohammad Abdel Wahab et Abdel Halim Hafez, qui soit nourrissent une sincère espérance à l’égard du nouveau régime, soit souhaitent simplement garantir la poursuite de leur carrière sous les meilleurs hospices, dès 1954 la diva chante elle aussi à la gloire de l’Egypte libérée, Nachid al-Galaa (L’Hymne de l’Indépendance), avant de faire les louages de Nasser et de ses accomplissements, notamment dans Qissat al-Sadd (L’Histoire du barrage d’Assouan) en 1960, Al Za’im Wa th-Thawra (Le leader et la Révolution) en 1963 et Ya Gamal Ya Mithal al-Wataniyya (Ô Gamal Abdel Nasser, ô héros du nationalisme) en 1963.
Elle tient durant toutes ces années le rôle de première dame d’Egypte aux côtés de Nasser. Mais sa popularité et ce qu’elle représente pour le monde arabe – l’histoire le confirmera – sont en réalité bien supérieurs aux contingences politiques d’alors.
Le développement fulgurant de la radio à transistor à partir de la moitié des années 1950 diffuse davantage encore la voix d’Oum Kalthoum en Egypte et dans le monde arabe. Ses chansons sont alors écoutées dans les cafés, les commerces, les lieux de travail… Elle ne chante pas que des chansons patriotiques, loin s’en faut. C’est même au cours de cette période qu’elle gravera ses chansons les plus connues aujourd’hui, Houwa Sahih El Hawa Ghallab (Est-il vrai que l’amour finit toujours par triompher ?) en 1960, Enta Omri (Tu es ma vie) en 1964, Al Atlal (Les Ruines) en 1966, Alf Leila Wa Leila (Les Mille et une nuits) en 1969 et bien d’autres encore.
« Es-Sett », La Dame, comme les Egyptiens l’appellent, est désormais une figure nimbée de sacralité, une icône révérée qui incarne l’Egypte, voire l’ensemble du monde arabe.
Il est certain que la femme Oum Kalthoum qui a été entourée d’hommes tout au long de sa vie, dans son univers professionnel (musiciens, compositeurs, poètes, impresarios, journalistes, compagnies de disques) et dans le milieu social dans lequel elle a évolué (gouvernants, hommes de lettres, etc.) a très tôt compris que la figure quasi surnaturelle qu’elle incarne ne doit sa pérennité qu’à son respect des codes de conduite et des tabous attachés à sa double condition de femme et d’artiste dans une société qui infantilise la femme et dénigre la condition d’artiste.
Ce que déclare Youssef Chahine, qui a voulu tourner un film sur Oum Kalthoum est particulièrement révélateur à cet égard. Après s’est montrée intéressée par l’idée, elle finit par enterrer le projet car le cinéaste souhaitait mettre en avant sa vie sentimentale et affective, ce qui constituait pour elle une ligne rouge à ne franchir sous aucun prétexte.
Qaïs Saadi
La première année du nassérisme n’a pas été des plus faciles dans la carrière de la diva. Bientôt ses chansons se font rares à la radio et l’on ira même jusqu’à choisir une autre voix, celle de Laila Mourad, pour chanter lors de la première commémoration de la révolution en 1953 au motif qu’Oum Kalthoum a chanté les louages de la monarchie abolie.
Comme elle le confessera plus tard, aux premiers jours du renversement du roi et de la prise de pouvoir par les Officiers libres, ceux-ci lui demandent de faire des déclarations de soutien. Oum Kalthoum tergiverse, ce qui jette un terrible froid entre elle et le nouveau régime, en particulier avec Nasser.
Pourtant, elle avait déjà rencontré Nasser à plusieurs occasions, notamment lorsqu’elle avait accueilli lors d’une fête à son domicile plusieurs officiers revenus de la guerre de 1948, parmi lesquels Gamal Abdel Nasser.
Le retour en grâce a lieu très rapidement, Nasser se rendant compte qu’il lui serait bien plus profitable d’employer en sa faveur son immense popularité que de tenter d’en diminuer l’éclat.
A cette période les chansons patriotiques fleurissent. Beaucoup chantent la fierté retrouvée après la déchéance de la monarchie corrompue, soumise aux forces étrangères et responsable de la cuisante défaite de 1948 face à Israël. Oum Kalthoum ne déroge pas à la règle. Rejoignant la cohorte des chanteurs, tels Mohammad Abdel Wahab et Abdel Halim Hafez, qui soit nourrissent une sincère espérance à l’égard du nouveau régime, soit souhaitent simplement garantir la poursuite de leur carrière sous les meilleurs hospices, dès 1954 la diva chante elle aussi à la gloire de l’Egypte libérée, Nachid al-Galaa (L’Hymne de l’Indépendance), avant de faire les louages de Nasser et de ses accomplissements, notamment dans Qissat al-Sadd (L’Histoire du barrage d’Assouan) en 1960, Al Za’im Wa th-Thawra (Le leader et la Révolution) en 1963 et Ya Gamal Ya Mithal al-Wataniyya (Ô Gamal Abdel Nasser, ô héros du nationalisme) en 1963.
Elle tient durant toutes ces années le rôle de première dame d’Egypte aux côtés de Nasser. Mais sa popularité et ce qu’elle représente pour le monde arabe – l’histoire le confirmera – sont en réalité bien supérieurs aux contingences politiques d’alors.
Le développement fulgurant de la radio à transistor à partir de la moitié des années 1950 diffuse davantage encore la voix d’Oum Kalthoum en Egypte et dans le monde arabe. Ses chansons sont alors écoutées dans les cafés, les commerces, les lieux de travail… Elle ne chante pas que des chansons patriotiques, loin s’en faut. C’est même au cours de cette période qu’elle gravera ses chansons les plus connues aujourd’hui, Houwa Sahih El Hawa Ghallab (Est-il vrai que l’amour finit toujours par triompher ?) en 1960, Enta Omri (Tu es ma vie) en 1964, Al Atlal (Les Ruines) en 1966, Alf Leila Wa Leila (Les Mille et une nuits) en 1969 et bien d’autres encore.
« Es-Sett », La Dame, comme les Egyptiens l’appellent, est désormais une figure nimbée de sacralité, une icône révérée qui incarne l’Egypte, voire l’ensemble du monde arabe.
Il est certain que la femme Oum Kalthoum qui a été entourée d’hommes tout au long de sa vie, dans son univers professionnel (musiciens, compositeurs, poètes, impresarios, journalistes, compagnies de disques) et dans le milieu social dans lequel elle a évolué (gouvernants, hommes de lettres, etc.) a très tôt compris que la figure quasi surnaturelle qu’elle incarne ne doit sa pérennité qu’à son respect des codes de conduite et des tabous attachés à sa double condition de femme et d’artiste dans une société qui infantilise la femme et dénigre la condition d’artiste.
Ce que déclare Youssef Chahine, qui a voulu tourner un film sur Oum Kalthoum est particulièrement révélateur à cet égard. Après s’est montrée intéressée par l’idée, elle finit par enterrer le projet car le cinéaste souhaitait mettre en avant sa vie sentimentale et affective, ce qui constituait pour elle une ligne rouge à ne franchir sous aucun prétexte.